Aux premières lueurs du jour naissant, perlées de rosée, les pétales de soie d’une orchis bouffon tranchent sur le vert encore tendre des herbes folles…plus loin, dans le silence pâle d’une dépression humide, en bas de coteau, les hampes vigoureuses d’une orchis laxiflora célèbrent le temps revenu du printemps…délicates sentinelles des pelouses ou des marais, depuis des millénaires, les voici nous interrogeant de leurs arcanes végétales : quel est donc ce mystère qui fait imiter l’insecte, de si parfaite façon parfois que ce dernier se laisse enivrer par la trompeuse apparence de la fleur ?? d’où vient cette connaissance immémoriale d’un autre règne, défiant la raison pour laisser place au songe ??
Marrons veloutés et jaunes pastel, bleus profond et pourpres, entrelacés de rayures et de pointillés, arrondis et dards inoffensifs en leur jardin de nature sauvage, les orchidées sont au règne végétal ce que les diamants sont au règne minéral : l’émouvante expression de la beauté pure, grâce et délicatesse mêlées …mais ne gravant nos cœurs que de rayures douces.
Les fées n’ont pas fini de chausser les sabots de Vénus, aux creux discrets des clairières forestières de montagne…
Somptueuses ou effacées, les voici courtisées par le vol lumineux des papillons , comme par un souffle léger venu de nulle part ; flambés et argus, fleurs du ciel sur leurs consoeurs terrestres, invités au festin de nectar dans des coupes de velours…
En sols écrasés de soleils asséchants, cà et là disséminées dans le vaste tapis des prairies ou des pelouses calcaires, ou bien nichées au cœur des tourbières et des marais oubliés, les voici encore allumant de feux doux le vert profond des bois clairs…
Imperturbables parfois, sur des talus improbables de routes et de voies rapides, réjouissant défi à la course effrénée des humains, elles sont capables de survivre au cœur des villages, au plus près des maisons, ou des zones industrielles : fragiles mais têtues, petites notes obstinées de poésie dans l’assourdissant concert de l’arrogante « civilisation ».
Elles sont à la fois peinture et musique, œuvres d’art que nul ne saurait recréer si notre acharnement à nous « développer » venait à les faire s’évanouir, souvenirs imperceptibles d’un temps où leur magie éclairait nos ciels de vie…
Faut il d’autres arguments pour notre entêtement à les sauvegarder ??
Alain PERSUY