La nature fut pour moi un refuge sans faille ni césure. En elle s’opérait un accord extatique. C’est à peine si j’entendais le râle qu’elle m’arrachait.
Mon bonheur vient d’un âge fort ancien. Il alimente mon esprit de mille embryons de pensées.
Je contemple les berges de la Seine à quelque huit cents mètres du bac. L’arrangement des arbres d’en face s’y superpose comme l’herbe au pied des acacias parasols, là-bas, au Tchad, à la fin de la saison des pluies, en octobre.
Bienheureuse verdure de l’hiver. L’air et la lumière sont les mêmes en dépit de la sècheresse qui prévaut dans mon pays. Mon cœur d’adulte arpente mon cœur d’enfant comme si le second était père du premier – son guide, son proche parent. Ils communient entre les intervalles des arbres de la rive gauche : peupliers, saules, chênes, pommiers. Ils sont régis par un panorama de transparence, qui m’émeut par sa ligature entre les eaux et le ciel, les arbres et ce corps mien – qui est du bois, tendre, bien sûr. Il consonne avec les dieux.
Ils plongent tous en moi, accordent ma « profondeur » à cette scène devant moi, souveraine, docile.
NIMROD
(Petit éloge de la lumière nature – Éditions Obsidiane)