Pierre PETIT (1910-1985) : Compagnon Vitrier. Disciple de la Lumière.

Par Christian Massé

Les artistes seraient-ils voués à l’oubli ? Leurs œuvres, sans doute pas, dès lors que l’on peut les admirer encore. C’est le cas de Pierre Petit : le grand vitrail de l’église de Saint François de Paule, à Tours, les scènes religieuses de celle du village de Monts, les vitraux représentant les trois Maîtres des Compagnons du Musée de Tours (Salomon, Maître Jacques et le père Soubise) : si l’homme est aujourd’hui oublié par le grand public, ses œuvres, elles, resteront. Mais c’est surtout dans la construction de sa « Grande cathédrale de lumière » de la sainte Baume, en Provence, que Pierre Petit atteignit ses plus hautes altitudes en restituant l’aura, de Marie-Madeleine qui vint mourir sous ce ciel bleu.

Pierre Petit est né à Sainte Radegonde le 20 mars 1910. Il quitte l’école primaire à treize ans pour entrer en apprentissage chez un maître verrier tourangeau. Conjointement, il prépare à l’Ecole des Beaux Arts de Tours, le concours d’entrée à l’Ecole Nationale des Arts Décoratifs où il obtient le diplôme avec succès. Dans la foulée, il suit les cours des Beaux Arts auxquels il doit son refus du conformisme, sa remarquable connaissance de l’impressionnisme et sa farouche indépendance.

La lumière, c’est celle des visages d’enfants, de femmes et d’hommes qu’il guette pour la sublimer. « S’il existe un humanisme pictural, écrit un critique en 1951, il en serait le chef. Toutes ses œuvres portent la marque d’une sensibilité métaphysique qui éclate dans son « Golgotha », sa « Terre brûlée » et son « Enfant aux colombes » exposés au Grand Hôtel de Tours.

La lumière, c’est celle des paysages secrets de sa campagne, à Sorigny (au sud de Montbazon), où il s’établit dans les années soixante : chez moi, aux Petites Mottes, j’ai choisi le chemin creux, l’isolement dans une campagne que j’aime. Ici, je travaille, je médite, je compose « intérieurement » et passe à l’œuvre…C’est le matin, de très bonne heure, sur un sentier ou dans les champs…et les mains dans les poches, que je travaille le plus !

Pierre Petit peint les fleurs, les atmosphères qu’elles créent, fidèle à l’impressionnisme, rendant saisissable ce qui nous est invisible la plupart du temps. Il aime les gens simples, les paysans, ignore les mondains et les salons qu’ils fréquentent sous le prétexte qu’il faut se montrer dans les salons !

On ne peut évoquer son œuvre sans se laisser subjuguer par son immense apport artistique à Sainte Baume, à la Grotte de ce lieu quasi biblique. J’ai recherché, à l’exemple des grandes verrières du XIIè et XIIIè siècle, à écrire quelques nouvelles pages de la Bible des Pauvres, mêlant volontairement symboles chrétiens et compagnonniques, et jouant naturellement avec les formes, les lignes et surtout les couleurs pour mieux provoquer la « rencontre » avec la clarté qui est une quête passionnée de tous ceux qui refusent le dérisoire et acceptent de vivre leur vérité. Une vérité toujours transcendée avec dignité et humilité. L’artiste met ainsi en lumière : Marie madeleine en pleine méditation dans le Livre de la Sagesse, La résurrection, Marthe et Marie au repas de Béthanie, Marie-Madeleine au calvaire, L’Onction à Béthanie, la résurrection de Lazarre et la pécheresse repentie.

Le 29 août 1985, revenant de Sainte Baume, Pierre Petit et son épouse sont victimes d’un accident de la route. L’artiste entrera dans l’éclatante et ultime lumière. L’émotion dans toute la Touraine fera naître une association d’amis pour perpétrer sa mémoire. L’ancien maire de Tours, Jean germain, inaugurera une exposition quasi fastueuse au château de Tours du 28 septembre au 3 novembre 1996 : plus de cent cinquante œuvres de Pierre Petit furent accrochées aux cimèses et présentées au public. Parmi le public, les enfants de l’école du village de Sorigny qui porte désormais son nom.