"La Loire dans tous ses ébats". Déambulation autour de la crue de Bréhémont en 1856. Christian Massé. Extrait (paru aux éditions Le petit Pavé en 2007)
Gustave:
1er juin. A Tours, on se promène tranquille sur les quais. Au sud, le Cher fait l'objet de travaux de protection. A 3h du matin, dépêche d'Orléans: la crue sera à Tours. 2 juin. Le Cher monte. Les jeunes gens de la colonie pénitentiaire de Mettray viennent aider les fermiers de la Varenne, puis arrivent les soldats du 98è Régiment d'Infanterie, soit 1200 hommes! Mais le Cher inonde les terrains plats de la Ville-aux-Dames et de Saint-Pierre-des-Corps et commence à se répandre dans Tours où la Loire, sûre d'elle, continue à monter. Une nouvelle dépêche confirme la précédente. 3 juin. La Loire monte de 10 à 15 centimètres par heure et le danger s'accroît de tous côtés. A minuit, la côte est à 7m52 (soit la plus haute prévue). En amont d'Amboise, au hameau d'Onzain, la levée cède, rase vingt maisons et la gendarmerie. Emportées sans laisser de traces !
Toine:
La Loire est une mer furieuse. Elle entraîne arbres déracinés, meubles, charpentes. A Tours, une rumeur: le Pont de fil est arraché! Les travaux de protection des levées ne s'arrêtent pas: ingénieurs, autorités, hommes et femmes sont à la tâche; celles-ci cousent des voiles. Parmi les hommes, les employés de la préfecture, les séminaristes avec, à leur tête, Mgr Marlot en personne. On fait une longue chaîne pour se passer de l'un à l'autre les pavés retirés des rues et les emmener aux endroits menacés. Le pont de Saint-Pierre-des-Corps cède.
Gustave:
Nuit terrible du 3 au 4 juin! Soldats, jeunes gens et femmes, exténués, continuent à se battre contre les éléments déchaînés. Le vent souffle avec violence, devient ouragan, avec des pluies torrentielles. On s'éclaire à la lanterne et avec des torches que le vent éteint sans relâche et qu'il faut bien rallumer. L'eau monte toujours. Elle jaillit par les trappes des caves, par les joints des pierres et par les fentes des murs. Près de la mairie, un gouffre! En vain, on y jette tout ce qui tombe sous la main: pierres, charpentes, étaux du boucher, même des charrettes entières. Rien n'y fait. Tout disparaît aussitôt.